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Surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme : nouveau système à deux axes - par M. Ailincai

Parution / Groupe Liberté et Sécurité

Le 20 septembre 2010

La Conférence ministérielle d’Interlaken qui s’est déroulée les 18 et 19 février 2010 a appelé le Comité des Ministres à développer d’urgence « les moyens permettant de rendre sa surveillance de l'exécution des arrêts de la Cour plus efficace et transparente ». ...

     La Conférence ministérielle d'Interlaken qui s'est déroulée les 18 et 19 février 2010 a appelé le Comité des Ministres à développer d'urgence « les moyens permettant de rendre sa surveillance de l'exécution des arrêts de la Cour plus efficace et transparente ». Elle l'a invité en conséquence « à renforcer cette surveillance en donnant une priorité et une visibilité accrues non seulement aux affaires nécessitant des mesures individuelles urgentes, mais aussi aux affaires révélant d'importants problèmes structurels » et à « réexamine[r] ses méthodes de travail et ses règles afin de les rendre mieux adaptées aux réalités actuelles et plus efficaces face à la diversité des questions à traiter » (1).      En mai 2010, lors de sa 120e session, le Comité des Ministres a chargé les Délégués « d'intensifier leurs efforts pour accroître l'efficacité et la transparence de la surveillance de l'exécution et de conclure ces travaux d'ici décembre 2010 ». Un premier échange de vues a eu lieu entre les Délégués lors de la 1086e réunion « droits de l'homme ». A l'issue de la discussion, les Délégués ont chargé le Secrétariat de préparer un document synthétisant les propositions formulées (2). Selon ce document, un large consensus a émergé au cours des débats sur la nécessité de repenser le processus de surveillance en mettant l'accent sur le principe fondamental selon lequel l'exécution est de la responsabilité première des Etats. Les Délégués se sont également entendus sur la nécessité de hiérarchiser la surveillance en dégageant des groupes d'affaires prioritaires. Lors de la 1090e réunion du 7 juillet 2010, les Délégués ont chargé le Secrétariat de préparer un document détaillé sur les modalités d'un système de supervision opérant selon deux axes (3). Le principe du système de surveillance à deux axes tel qu'il figure dans ce dernier document a été endossé par les Délégués des Ministres lors de leur 1092e réunion du 15 septembre 2010. Il sera mis en œuvre à compter du 1er janvier 2011.

     Il s'agit d'accélérer l'examen des quelques 9 000 affaires pendantes devant le Comité des Ministres en confiant au Secrétariat le soin de procéder à l'évaluation des mesures programmées ou adoptées, l'organe intergouvernemental étant chargé d'adopter les décisions et de dénouer les situations délicates. Cette répartition des tâches s'opère au moyen d'une distinction nouvelle entre une surveillance « simplifiée » et une surveillance « soutenue ».

     La première a vocation à être le mode de surveillance standard. Le rôle du Comité des Ministres consiste alors à vérifier si l'Etat défendeur a présenté un plan d'action ou un bilan d'action (4) dans un délai maximal de six mois après que l'arrêt est devenu définitif. Lorsque l'Etat défendeur informe le Secrétariat que, selon son avis, il s'est acquitté de l'obligation qui lui incombe au titre de l'article 46 § 1 de la CEDH (5), le Secrétariat procède à une évaluation des mesures adoptées. S'il estime que l'Etat a effectivement exécuté l'arrêt, il proposera au Comité des Ministres d'adopter une résolution finale mettant un terme à l'examen de l'affaire.

     La surveillance « soutenue » n'est quant à elle applicable qu'aux affaires nécessitant l'attention prioritaire du Comité des Ministres ainsi qu'une implication accrue du Secrétariat. Les affaires susceptibles de faire l'objet d'une procédure soutenue sont celles qui impliquent des mesures individuelles urgentes, celles qui ont donné lieu à un arrêt pilote, celles qui soulèvent des problèmes structurels et/ou complexes identifiés par la Cour ou par le Comité des Ministres et les affaires interétatiques. Lorsqu'une affaire est examinée sous l'angle de la procédure soutenue, le Secrétariat est chargé d'établir une coopération plus approfondie avec l'Etat défenseur concerné afin de lui fournir une assistance dans l'élaboration et/ou la mise en œuvre de son plan d'action, de dispenser des conseils au sujet des mesures envisagées, voire de mettre en place des programmes de coopération bilatérale ou multilatérale sous la forme de séminaires ou de tables rondes. En cas de difficultés, tout Etat membre ou le Secrétariat peut solliciter un débat au sein du Comité des Ministres afin que celui-ci tranche un éventuel désaccord entre le Secrétariat et l'Etat défendeur ou qu'il éclaire simplement les protagonistes par ses conseils. Ce débat peut se solder par une décision (6) ayant pour finalité d'exercer une pression sur l'Etat défendeur récalcitrant.

     Bien évidemment, les deux procédures ne sont pas cloisonnées, en ce sens qu'une affaire peut être transférée d'une procédure à une autre sur décision dûment motivée du Comité des Ministres. Ainsi, une affaire examinée selon la procédure soutenue peut basculer sous l'empire de la procédure standard si le Comité des Ministre est satisfait du plan d'action présenté et/ou de sa mise en œuvre, si les obstacles à l'exécution se sont dissipés ou si les mesures individuelles les plus urgentes ont été adoptées. A l'inverse, la procédure soutenue peut être appliquée à une affaire, sur demande d'un Etat membre ou du Secrétariat, lorsque aucun plan/bilan d'action n'a été présenté dans un délai de neuf mois après que l'arrêt a acquis un caractère définitif, en présence d'un désaccord entre l'Etat défendeur ou le Secrétariat au sujet du contenu du plan/bilan d'action effectivement présenté ou encore en cas de retard important dans la mise en œuvre des mesures annoncées.

par Mihaela Ailincai ____________________________

(1) Plan d'Action d'Interlaken, par. 11 (a) et (b).

(2) Doc. CM/Inf (2010) 28 rév. du 24 juin 2010.

(3) Doc. CM/Inf/DH (2010) 37 du 6 septembre 2010.

(4) Un plan d'action est un document présentant les mesures que l'Etat défendeur entend prendre pour exécuter un arrêt de la Cour. Un bilan d'action présente quant à lui les mesures adoptées par l'Etat défenseur pour exécuter un arrêt de la Cour et/ou expose les raisons pour lesquelles aucune mesure ou aucune mesure supplémentaire n'est requise.

(5) L'article 46 § 1 de la CEDH dispose que « [l]es Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquelles elles sont parties ». (6) La mention d'une décision plutôt que d'une résolution intérimaire confirme la tendance relativement récente à négliger ce dernier type de texte dont l'inconvénient majeur est de suspendre la surveillance de l'affaire en cause.

 

Date

Le 20 septembre 2010

Publié le 20 mai 2021

Mis à jour le 12 juillet 2023